La vallée
Elle considéra ébahie la vallée qui s'étalait sous ses yeux. Elle ne se souvenait pas comment elle avait pu quitter le pays gris, sous la pluie et le vent, dont le ciel ne laissait plus jamais passer le soleil. Elle savait seulement d'où elle venait mais elle avait parfois des doutes se demandant si elle ne venait pas de faire un cauchemar ou si elle n'était pas en train de rêver.
Elle n'avait pas vu depuis des années le bleu du ciel et un terrain uni de verdure sans flaque d'eau . Les saisons pourtant avaient su longtemps l'étonner dans son pays pas plus gris que tant d'autres. Chaque printemps des bourgeons émouvants et des fleurs de toutes les couleurs surgissaient. Chaque été un ciel d'azur et un océan clément lumineux et turquoise à ses heures rendait le paysage chatoyant dans sa douce chaleur, le long des sables blancs, dans un charme de Caraïbes. Chaque automne avait fait miroiter sa lumière et chamoirer la nature. Chaque hiver savait offrir durant quelques jours la magie des flocons, et le reste du temps rester serein et tempéré. Mais le changement climatique s'était accéléré à une allure vertigineuse. Les précipitations pouvaient durer des mois...des années. Les plages avaient disparu sous les flots et tous les ruisseaux les rivières et les fleuves débordaient sans cesse. Les champs n'étaient souvent plus que des étangs inaptes à toute culture. Tous les chemins étaient devenus boueux. Les arbres mourraient, Les gens restaient dans leur maison noyées d'humidité, et certaines demeures abandonnées s'écroulaient comme un souhait profond de revenir à la terre.
Elle chassa de son esprit la désolation, les bêtes mortes, les suicidés, les dérives, le naufrage du monde où l'eau du ciel n'était pas partagée avec tous ceux qui en manquaient cruellement.
Elle contempla la vallée comme un paradis se demandant si elle n'allait pas se retrouver soudain à nouveau dans la pourriture. Elle s'était toujours dit qu'il y avait bien pire, la guerre, la sécheresse et les incendies géants... mais il s'avère que les humains meurent aussi tout simplement sans soleil.
Avait-elle fui? Etait-elle tombée dans un coma profond et l'avait-on emmenée jusqu'ici? Etait-elle de l'autre côté de la vie? L'instant présent vallait le coup et elle ne cessa de contempler autour d'elle.
La pluie ici avait su apporter ses bienfaits sans noyer le paysage, les fleurs abondaient sans blessure dans un épanouissement d'une sérénité intacte. L'air était doux, les arbres neufs, les feuilles parfaites et le soleil savait bénir le monde.