Le pont de la rivière Li
Le vieil homme habitait sur le pont qui enjambe la rivière Li. Il m'avait invitée à boire le thé avant la fin de l'année. Je n'avais pas osé refuser de crainte de le blesser. Le village s'étalait avec nonchalance le long du cours d'eau sur les falaises d'ocre parsemées ici et là d'arbres colorés. Dans cette contrée chaque saison avait ses couleurs et durant l'hiver la rivière charriait des arcs en ciel qui s'accrochaient aux arbres et aux pierres.
Une légende racontait que le vieil homme avait plus de 200 ans et habitait depuis des siècles la même maison. Il l'avait consolidée au fur et à mesure des besoins, y avait eu trois femmes l'une après l'autre, et pas moins de deux douzaines d'enfants qui étaient partis parcourir le monde. Il vivait de rien, de thé cueilli sur les coteaux, de racines, de fruits et de pignons de pins ramassés patiemment. Ses voisins les plus proches le connaissaient bien mais son très grand âge en effrayait plus d'un. Il représentait le magicien des lieux, l'enchanteur des crues, car il avait sauvé au moins cinq enfants tombés dans les eaux troubles lors des grandes tempêtes.
Le lieu avait d'ailleurs quelque chose de troublant. J'eu soudain l'impression de me transformer en oiseau, de dominer les berges, l'eau de la rivière et la demeure du sage. Celui-ci m'invita à me poser sur le rebord du pont.
Feuille
Aquarelle du 29 décembre 2012